17.11.04
6ème séance
séance du 17 novembre 2004
Dans le petit studio toujours, de 13h à 15h (c'est bien, je prends une heure pleine de travail + une demi-heure pour installer, m'installer, désinstaller, me rhabiller, rester assis 15 mn sur la chaise dans la salle). J'étais pieds nus, pantalon kaki, ticheurte à l'effigie de Florence Rey ; j'ai parlé à la caméra. Retranscription :
Aujourd'hui, j'ai apporté des photos.
Je vais les reproduire tant que faire se peut.
C'est des photos que j'ai découpées dans des programmes.
Je vais reproduire ce que je vois sur ces photos.
(à lui-même) Alors, est-ce que ça veut dire que je suis en train de faire une vidéo ?
(à la caméra) Je suis allé voir un spectacle de danse lundi, une générale, Claudia Tozzio, Tiozzo (C'est Triozzi!).
À la fin elle monte sur un cheval
elle est de dos
puis elle se retourne.
(Il le fait.)
…Il faut que je sois plus cambré.
Elle se retourne.
Il faut bien rester sur le cheval.
La bouche, les yeux, la main qui monte, la main qui glisse derrière le dos, qui contre-balance.
Est-ce que sa main était comme ça ? Est-ce sa main disait "au-revoir", plutôt ?
Elle disait "au-revoir", plutôt.
Peut-être l'autre main le long du corps comme ça, pas en… spirale
en colimaçon autour du corps.
Oui, dos cambré, la tête un peu en arrière, une espèce de langueur. Et dire au-revoir avec la main. Le coude du bras qui est vers le bas s'écarte un peu du corps. Peut-être les hanches sont plus vers l'avant. Les hanches ne tournent pas du tout. La tête se retrouve bloquée par les épaules. Il faut basculer la tête en arrière pour qu'elle se dégage des épaules.
Je suis à cheval, je sors de la cour de la ferme, je me retourne pour dire "au-revoir".
J'aime assez quand tout tourne autour de mes hanches.
Il faut que je garde mes fesse sur le cheval.
Elle monte sur le cheval.
Merde
Je monte sur le cheval
je sors de la cour de la ferme
je me retourne
le bras droit est levé
la main droite bien à plat, qui dit au-revoir
la tête tournée
le dos tourné.
Sors de la cour.
Sors de la cour.
Sors de la cour de la ferme.
Je monte sur le cheval
sors de la cour de la ferme
la main tendue pour dire au-revoir.
Sors de la cour de la ferme.
Je suis à cheval, le cheval avance, sort de la cour de la ferme, passe le portail, je me retourne
la tête bien cambrée en arrière.
Le bras accompagne le pivot du torse.
Ouais!
je suis sur le cheval, je me retourne.
J'avance. Je suis sur le cheval, sors de la cour de la ferme, passe le portail, je me retourne.
La tête en arrière.
Les sourcils.
Le pivot des bras autour du buste.
Le cheval avance, le cheval sort de la cour de la ferme, au portail…
Les fesses doivent rester assises sur le cheval.
Le cheval avance, je sors de la cour de la ferme…
Le cheval avance je sors de la cour de la ferme au portail
le cheval avance. je sors de la cour de la ferme. au portail.
Plus doucement! Plus lentement!
Sort de la cour de la ferme, le portail…
Je n'ai pas fait d'échauffement.
Le cheval avance. Il sort de la cour de la ferme. Au portail :
grand sourire, sourcils, les yeux et les sourcils écarquillés, la tête pas trop en arrière, le bras gauche vers le bas fait pivoter le corps vers la gauche, le bras droit vers le haut accompagne le mouvement.
Le cheval avance, sort de la cour de la ferme, au portail :
Sourcils
au portail!
voilà
au portail!
au portail!
La tête droite quand même!
Alors attention
au portail!
Putain, les sourcils!
respire, les sourcils, le soupir.
Respire.
tout ça doit aller vers le haut
il y a une envie de plus, de joie, de soulèvement, de croissement, (de croissance), de levage, de lèvement, de légèrement, souplesse, moussu, nuages, nées, montée.
je suis assis sur le cheval.
Le visage se prépare pendant le pivot.
Et on tient la pos-e.
Moins forcé le cambrage en arrière.
Presque intimidé
ouais, intimidé
pas grotesque
doutant, intimidé, joyeux, mais…
La tête en arrière, ça donne un goût de pas même, de pas trop sûr, de pas à soi.
On fait l'amour, souris-toi!
Ouais
satisfait mais gêné.
Il arrête. Il prend le paquet de photos par terre. Il regarde la première ; la met de côté. Il passe à la deuxième.
Il reproduit la photo : pieds joints, le corps droit, les épaules remontées, la tête bascule en arrière, entraînent les épaules, les bras tendus se soulèvent légèrement. Il enchaîne avec le mouvement bras levé en équilibre sur lui-même puis tiré par le poignet redescendre de la séance précédente. Il enchaîne avec le mouvement d'arpentage. Il prend une autre photo.
Encore une autre en arrière! qu'est-ce qu'elle essaye de faire ?
Elle met les pieds comme ça
et puis
Il se penche en arrière, loin, un pied un peu plus en avant que l'autre, les mains à la hauteur des hanches, les bras fléchis, comme prêt à dégainer ses colts (c'est la première fois, il n'a jamais tenu, ni même touché une arme de sa vie, alors vous pensez, tirer sur un homme). Il se redresse et enchaîne les deux mouvements en arrière.
Et comme ça.
Et comme ça.
Et comme ça.
Et comme ça.
(mouvement du bras levé)
Et comme ça.
Maintenant il enchaîne sur le cheval, en arrière (les deux), le bras levé. Il prend une autre photo.
La femme qui marche avec des talons (Il le fait. Le tour de la salle. Sur un des côtés, il est collé au mur. Il prend une autre photo et la reproduit.)
Ils sont plusieurs, ils sont pleins.
Ils sont allongés.
Ils sont allongés
et par-dessus, un autre.
Ils regardent leurs mains
ils sont allongés et il se pend à un autre.
Elle le tient
par les bras
le tient par les bras
tient
par les bras
il se fait porter par elle.
Il est allongé
elle le prend par les bras
il se laisse porter par elle
elle le repose
elle le met en position
il est allongé par terre
elle le tient par les bras
elle le tient
elle le dépose
elle le dispose.
Il est allongé par terre, elle s'approche, le saisit par les bras et le soulève. Elle le tient par les bras. Elle le dépose, et le dispose. Elle vient s'allonger sur lui.
Elle est en talons.
Elle marche au-dessus de lui prend ses bras et le soulève. Elle regarde son visage. Elle le dépose et le dispose
Elle s'allonge sur lui.
(Il prend une autre photo et la reproduit)
Il est debout sur un pied
Il frotte sa cuisse.
Il lève le bras
tire le bras
relâche le bras
tire le bras
relâche le bras
qui redescend il est sur un pied
lève le bras.
Sur un pied
lève
tire le bras
relâche le bras
tire le bras
relâche le bras
tire le bras
relâche le bras.
Sur un pied
frotte sa cuisse.
Lève le bras
tire le bras relâche le bras
tire le bras
relâche le bras
(Il enlève son ticheurte)
Il enlève son ticheurte.
Il enchaîne en arrière1, en arrière2, sur un pied frotte la cuisse lève le bras relâche (droit puis gauche). Il pense à respirer. Il recommence. Il penche trop arrière2, son pied se soulève du sol et le déséquilibre. — Il aimerait ne pas avoir de poils ; il aimerait être en train de ne pas avoir de poils —. Il se met face caméra, s'accroupit (mais les jambes restent droites), le buste arrondi autour des genoux, les avant-bras et les mains à plat sur le sol. Il se relève et continue avec l'enchaînement précédent. À la fin il retourne à la position accroupi buste arrondi autour des genoux. Il le fait plusieurs fois. Maintenant, la main frottée monte devant lui comme un petit objet volant placide et sûr et vient se positionner le bras en l'air en équilibre sur l'épaule (ça ne marche pas à tous les coups), puis suite de l'enchaînement. D'un coup, la cassette est finie.
Dans le petit studio toujours, de 13h à 15h (c'est bien, je prends une heure pleine de travail + une demi-heure pour installer, m'installer, désinstaller, me rhabiller, rester assis 15 mn sur la chaise dans la salle). J'étais pieds nus, pantalon kaki, ticheurte à l'effigie de Florence Rey ; j'ai parlé à la caméra. Retranscription :
Aujourd'hui, j'ai apporté des photos.
Je vais les reproduire tant que faire se peut.
C'est des photos que j'ai découpées dans des programmes.
Je vais reproduire ce que je vois sur ces photos.
(à lui-même) Alors, est-ce que ça veut dire que je suis en train de faire une vidéo ?
(à la caméra) Je suis allé voir un spectacle de danse lundi, une générale, Claudia Tozzio, Tiozzo (C'est Triozzi!).
À la fin elle monte sur un cheval
elle est de dos
puis elle se retourne.
(Il le fait.)
…Il faut que je sois plus cambré.
Elle se retourne.
Il faut bien rester sur le cheval.
La bouche, les yeux, la main qui monte, la main qui glisse derrière le dos, qui contre-balance.
Est-ce que sa main était comme ça ? Est-ce sa main disait "au-revoir", plutôt ?
Elle disait "au-revoir", plutôt.
Peut-être l'autre main le long du corps comme ça, pas en… spirale
en colimaçon autour du corps.
Oui, dos cambré, la tête un peu en arrière, une espèce de langueur. Et dire au-revoir avec la main. Le coude du bras qui est vers le bas s'écarte un peu du corps. Peut-être les hanches sont plus vers l'avant. Les hanches ne tournent pas du tout. La tête se retrouve bloquée par les épaules. Il faut basculer la tête en arrière pour qu'elle se dégage des épaules.
Je suis à cheval, je sors de la cour de la ferme, je me retourne pour dire "au-revoir".
J'aime assez quand tout tourne autour de mes hanches.
Il faut que je garde mes fesse sur le cheval.
Elle monte sur le cheval.
Merde
Je monte sur le cheval
je sors de la cour de la ferme
je me retourne
le bras droit est levé
la main droite bien à plat, qui dit au-revoir
la tête tournée
le dos tourné.
Sors de la cour.
Sors de la cour.
Sors de la cour de la ferme.
Je monte sur le cheval
sors de la cour de la ferme
la main tendue pour dire au-revoir.
Sors de la cour de la ferme.
Je suis à cheval, le cheval avance, sort de la cour de la ferme, passe le portail, je me retourne
la tête bien cambrée en arrière.
Le bras accompagne le pivot du torse.
Ouais!
je suis sur le cheval, je me retourne.
J'avance. Je suis sur le cheval, sors de la cour de la ferme, passe le portail, je me retourne.
La tête en arrière.
Les sourcils.
Le pivot des bras autour du buste.
Le cheval avance, le cheval sort de la cour de la ferme, au portail…
Les fesses doivent rester assises sur le cheval.
Le cheval avance, je sors de la cour de la ferme…
Le cheval avance je sors de la cour de la ferme au portail
le cheval avance. je sors de la cour de la ferme. au portail.
Plus doucement! Plus lentement!
Sort de la cour de la ferme, le portail…
Je n'ai pas fait d'échauffement.
Le cheval avance. Il sort de la cour de la ferme. Au portail :
grand sourire, sourcils, les yeux et les sourcils écarquillés, la tête pas trop en arrière, le bras gauche vers le bas fait pivoter le corps vers la gauche, le bras droit vers le haut accompagne le mouvement.
Le cheval avance, sort de la cour de la ferme, au portail :
Sourcils
au portail!
voilà
au portail!
au portail!
La tête droite quand même!
Alors attention
au portail!
Putain, les sourcils!
respire, les sourcils, le soupir.
Respire.
tout ça doit aller vers le haut
il y a une envie de plus, de joie, de soulèvement, de croissement, (de croissance), de levage, de lèvement, de légèrement, souplesse, moussu, nuages, nées, montée.
je suis assis sur le cheval.
Le visage se prépare pendant le pivot.
Et on tient la pos-e.
Moins forcé le cambrage en arrière.
Presque intimidé
ouais, intimidé
pas grotesque
doutant, intimidé, joyeux, mais…
La tête en arrière, ça donne un goût de pas même, de pas trop sûr, de pas à soi.
On fait l'amour, souris-toi!
Ouais
satisfait mais gêné.
Il arrête. Il prend le paquet de photos par terre. Il regarde la première ; la met de côté. Il passe à la deuxième.
Il reproduit la photo : pieds joints, le corps droit, les épaules remontées, la tête bascule en arrière, entraînent les épaules, les bras tendus se soulèvent légèrement. Il enchaîne avec le mouvement bras levé en équilibre sur lui-même puis tiré par le poignet redescendre de la séance précédente. Il enchaîne avec le mouvement d'arpentage. Il prend une autre photo.
Encore une autre en arrière! qu'est-ce qu'elle essaye de faire ?
Elle met les pieds comme ça
et puis
Il se penche en arrière, loin, un pied un peu plus en avant que l'autre, les mains à la hauteur des hanches, les bras fléchis, comme prêt à dégainer ses colts (c'est la première fois, il n'a jamais tenu, ni même touché une arme de sa vie, alors vous pensez, tirer sur un homme). Il se redresse et enchaîne les deux mouvements en arrière.
Et comme ça.
Et comme ça.
Et comme ça.
Et comme ça.
(mouvement du bras levé)
Et comme ça.
Maintenant il enchaîne sur le cheval, en arrière (les deux), le bras levé. Il prend une autre photo.
La femme qui marche avec des talons (Il le fait. Le tour de la salle. Sur un des côtés, il est collé au mur. Il prend une autre photo et la reproduit.)
Ils sont plusieurs, ils sont pleins.
Ils sont allongés.
Ils sont allongés
et par-dessus, un autre.
Ils regardent leurs mains
ils sont allongés et il se pend à un autre.
Elle le tient
par les bras
le tient par les bras
tient
par les bras
il se fait porter par elle.
Il est allongé
elle le prend par les bras
il se laisse porter par elle
elle le repose
elle le met en position
il est allongé par terre
elle le tient par les bras
elle le tient
elle le dépose
elle le dispose.
Il est allongé par terre, elle s'approche, le saisit par les bras et le soulève. Elle le tient par les bras. Elle le dépose, et le dispose. Elle vient s'allonger sur lui.
Elle est en talons.
Elle marche au-dessus de lui prend ses bras et le soulève. Elle regarde son visage. Elle le dépose et le dispose
Elle s'allonge sur lui.
(Il prend une autre photo et la reproduit)
Il est debout sur un pied
Il frotte sa cuisse.
Il lève le bras
tire le bras
relâche le bras
tire le bras
relâche le bras
qui redescend il est sur un pied
lève le bras.
Sur un pied
lève
tire le bras
relâche le bras
tire le bras
relâche le bras
tire le bras
relâche le bras.
Sur un pied
frotte sa cuisse.
Lève le bras
tire le bras relâche le bras
tire le bras
relâche le bras
(Il enlève son ticheurte)
Il enlève son ticheurte.
Il enchaîne en arrière1, en arrière2, sur un pied frotte la cuisse lève le bras relâche (droit puis gauche). Il pense à respirer. Il recommence. Il penche trop arrière2, son pied se soulève du sol et le déséquilibre. — Il aimerait ne pas avoir de poils ; il aimerait être en train de ne pas avoir de poils —. Il se met face caméra, s'accroupit (mais les jambes restent droites), le buste arrondi autour des genoux, les avant-bras et les mains à plat sur le sol. Il se relève et continue avec l'enchaînement précédent. À la fin il retourne à la position accroupi buste arrondi autour des genoux. Il le fait plusieurs fois. Maintenant, la main frottée monte devant lui comme un petit objet volant placide et sûr et vient se positionner le bras en l'air en équilibre sur l'épaule (ça ne marche pas à tous les coups), puis suite de l'enchaînement. D'un coup, la cassette est finie.
12.11.04
5ème séance
séance du 10 novembre 2004
Encore le petit studio de 14 à 16 heures. C'est en sous-sol, rectangulaire, d'environ 50 m2 avec un recoin dans le fond. On entend les voitures passées dans la rue, le métro en-dessous et l'eau qui s'écoule ou dévale les colonnes, plus le ronronnement des lampes, au mercure je crois. Tout cela fait un excellent accompagnement. J'arrive d'un tournage en extérieur, je suis fatigué. Je ne me change pas, enlève mes chaussures, mes chaussettes. Je porte un pantalon militaire kaki et un polo de coton beige. Je place la caméra dans le sens de la longueur de la salle et me met devant un des piliers d'un mur. Je vais travailler les mouvements élaborés lors des séances précédentes. Je commence par un échauffement, un pied posé sur l'autre, lui-même bien à plat sur le sol. En équilibre, j'attends de voir où mon corps m'entraîne ; j'oscille, bascule, remonte, tangue ; mon pied reste bien à plat sur le sol ; je retrouve une position stable ; je ferme les yeux ; très vite je bascule, ma jambe se soulève, je me balance et tente de me rétablir avec le bras droit en arc de cercle au-dessus de la tête ; ça aide ; ça marche mieux quand je tend l'autre bras à l'horizontal dans le prolongement de l'épaule et que ma main relevée, poignet cassé, doigts ouverts comme autour d'une sphère, balance de droite à gauche, comme pour composer la combinaison d'un coffre.
Toujours à la même place, je reprends le mouvement de la séance 3 (main en l'air descendre remonter dans le dos). La remontée dans le dos me fait mal au bras, je suis fatigué, pas envie d'insister, je m'en tiens à la main qui monte entraîne le bras, qui se tend (travailler la tension : entre quels deux points de mon corps ?) puis redescend. Je fais attention à la tension : dans la montèe, dans l'étirement, dans la descente. Je garde en tête : y a-t-il un début et une fin à ce mouvement ? quel est son rythme ? que produit-il dans l'espace? dans l'air ? Ce geste s'étire entre le poignet et le talon. Je sens une droite se dessiner au fur et à mesure que j'allonge le bras. Quand je relâche, je décide de garder le bras levé comme on fait à l'école, les os posés en équilibre les uns sur les autres. Je peux re-tirer sur le bras, le tendre, retrouver la droite poignet/talon, puis relâcher vers la position en équilibre. J'essaye avec l'autre bras. L'étirement est plus difficile. Je me déconcentre vite. Je pense à comment je vais décrire ce que je fais plutôt que de le faire. Le geste du début a donc évolué : il y a maintenant le bras le long du corps, la main qui monte et pose le bras en équilibre sur l'épaule, puis le poignet (la main garde une position nonchalante, légèrement tournée vers l'intérieur, les doigts courbes comme autour d'un bâton) tend le bras et tire le côté et la cuisse et la jambe, le pied (c'est nouveau) est bien à plat sur le sol. Tout le reste du corps est relâché : un bout d'étoffe pris entre les battants fermés d'une fenêtre ; presque : le bateau de fitzcarraldo qui grimpe quasi immobile la montage. Le bras peut ensuite se détendre et rester en équilibre ou bien continuer sa descente pour reprendre sa place le long du corps et passer le relais à l'autre bras. J'enchaîne les deux bras en marchant autour de la pièce.
Les muscles autour du bassin sont maintenant un peu douloureux. Je m'accroupis lentement sur mes talons, levé sur la pointe des pieds, en arrondissant mon dos, les bras ballants, la tête pendante. Cela me soulage.
Je reprends le mouvement apparu pendant l'échauffement : un bras en arc de cercle au-dessus de la tête, l'autre tendu dans le prolongement de l'épaule, la main oscillant autour du poignet comme pour ouvrir un coffre-fort. Je pense à un double flux allant de mes hanches à chacune de mes paumes. J'enchaîne avec le mouvement précédent.
Je voudrais commencer une impro, mais je suis trop fatigué. J'éteins la lumière. Je mets la camèra en position "filmage de nuit". J'essaie des mouvements de ciseaux/retournements allongés sur le sol, ça me fait mal. J'arrête. Je vais m'asseoir sur une chaise et m'endors quelque minutes. J'entends des gens qui discutent dans les pièces voisines.
Comment font les danseurs pour se rouler par terre sans avoir mal ?
Pour glisser sur le sol sans avoir mal ?
C m'avait parlé d'une vieille femme, amatrice de danse, qui fabrique ses chorégraphies en découpant et en collant les unes après les autres des photos de danse. Elle exécute ensuite, chez elle, dans son salon, les echaînements ainsi composés. Je vais découper des photos. J'appréhende le moment ou je vais devoir agencer ensemble tous les éléments du vocabulaire que j'élabore actuellement.
je n'ai pas encore visionné les cassettes des séances 1, 3 et 5.
Encore le petit studio de 14 à 16 heures. C'est en sous-sol, rectangulaire, d'environ 50 m2 avec un recoin dans le fond. On entend les voitures passées dans la rue, le métro en-dessous et l'eau qui s'écoule ou dévale les colonnes, plus le ronronnement des lampes, au mercure je crois. Tout cela fait un excellent accompagnement. J'arrive d'un tournage en extérieur, je suis fatigué. Je ne me change pas, enlève mes chaussures, mes chaussettes. Je porte un pantalon militaire kaki et un polo de coton beige. Je place la caméra dans le sens de la longueur de la salle et me met devant un des piliers d'un mur. Je vais travailler les mouvements élaborés lors des séances précédentes. Je commence par un échauffement, un pied posé sur l'autre, lui-même bien à plat sur le sol. En équilibre, j'attends de voir où mon corps m'entraîne ; j'oscille, bascule, remonte, tangue ; mon pied reste bien à plat sur le sol ; je retrouve une position stable ; je ferme les yeux ; très vite je bascule, ma jambe se soulève, je me balance et tente de me rétablir avec le bras droit en arc de cercle au-dessus de la tête ; ça aide ; ça marche mieux quand je tend l'autre bras à l'horizontal dans le prolongement de l'épaule et que ma main relevée, poignet cassé, doigts ouverts comme autour d'une sphère, balance de droite à gauche, comme pour composer la combinaison d'un coffre.
Toujours à la même place, je reprends le mouvement de la séance 3 (main en l'air descendre remonter dans le dos). La remontée dans le dos me fait mal au bras, je suis fatigué, pas envie d'insister, je m'en tiens à la main qui monte entraîne le bras, qui se tend (travailler la tension : entre quels deux points de mon corps ?) puis redescend. Je fais attention à la tension : dans la montèe, dans l'étirement, dans la descente. Je garde en tête : y a-t-il un début et une fin à ce mouvement ? quel est son rythme ? que produit-il dans l'espace? dans l'air ? Ce geste s'étire entre le poignet et le talon. Je sens une droite se dessiner au fur et à mesure que j'allonge le bras. Quand je relâche, je décide de garder le bras levé comme on fait à l'école, les os posés en équilibre les uns sur les autres. Je peux re-tirer sur le bras, le tendre, retrouver la droite poignet/talon, puis relâcher vers la position en équilibre. J'essaye avec l'autre bras. L'étirement est plus difficile. Je me déconcentre vite. Je pense à comment je vais décrire ce que je fais plutôt que de le faire. Le geste du début a donc évolué : il y a maintenant le bras le long du corps, la main qui monte et pose le bras en équilibre sur l'épaule, puis le poignet (la main garde une position nonchalante, légèrement tournée vers l'intérieur, les doigts courbes comme autour d'un bâton) tend le bras et tire le côté et la cuisse et la jambe, le pied (c'est nouveau) est bien à plat sur le sol. Tout le reste du corps est relâché : un bout d'étoffe pris entre les battants fermés d'une fenêtre ; presque : le bateau de fitzcarraldo qui grimpe quasi immobile la montage. Le bras peut ensuite se détendre et rester en équilibre ou bien continuer sa descente pour reprendre sa place le long du corps et passer le relais à l'autre bras. J'enchaîne les deux bras en marchant autour de la pièce.
Les muscles autour du bassin sont maintenant un peu douloureux. Je m'accroupis lentement sur mes talons, levé sur la pointe des pieds, en arrondissant mon dos, les bras ballants, la tête pendante. Cela me soulage.
Je reprends le mouvement apparu pendant l'échauffement : un bras en arc de cercle au-dessus de la tête, l'autre tendu dans le prolongement de l'épaule, la main oscillant autour du poignet comme pour ouvrir un coffre-fort. Je pense à un double flux allant de mes hanches à chacune de mes paumes. J'enchaîne avec le mouvement précédent.
Je voudrais commencer une impro, mais je suis trop fatigué. J'éteins la lumière. Je mets la camèra en position "filmage de nuit". J'essaie des mouvements de ciseaux/retournements allongés sur le sol, ça me fait mal. J'arrête. Je vais m'asseoir sur une chaise et m'endors quelque minutes. J'entends des gens qui discutent dans les pièces voisines.
Comment font les danseurs pour se rouler par terre sans avoir mal ?
Pour glisser sur le sol sans avoir mal ?
C m'avait parlé d'une vieille femme, amatrice de danse, qui fabrique ses chorégraphies en découpant et en collant les unes après les autres des photos de danse. Elle exécute ensuite, chez elle, dans son salon, les echaînements ainsi composés. Je vais découper des photos. J'appréhende le moment ou je vais devoir agencer ensemble tous les éléments du vocabulaire que j'élabore actuellement.
je n'ai pas encore visionné les cassettes des séances 1, 3 et 5.
8.11.04
4ème séance
séance du 5 novembre 2004
Dans le petit studio pour la première fois, de 16 à 18 heures. Trois jours avant, je me suis cassé le petit doigt en le projetant inopinément contre un mur de ciment. Le jour de la séance, quelques heures avant, je me décide à aller voir un docteur ; radio, bande élastoplaste : j'arrive en retard d'une heure. C, à qui j'avais donné rendez-vous pour me montrer des exercices d'échauffement, est là depuis 16 h et profite de la salle. Quand j'arrive, elle danse dans le noir. Nous parlons de ce que j'ai fait au cours des séances précédentes. Elle me pose des questions sur comment les mouvements dont je parle me sont venus, à quoi ils se rapportent, comment ils existent au moment et à l'endroit où je les fais. Elle pointe la nécessité pour chaque exécution de redécouvrir le même mouvement et me fait des propositions : que se passe-t-il pour l'air quand tu fais tel mouvement ? Et pour l'espace ? et pour ton corps ? À quoi penses-tu en le faisant ? Si tu fermes les yeux ? J'essaye à chaque fois avec ces nouvelles données, le mouvement d'arpentage des deux premières séances (bras tendu, le pied vient se placer à l'aplomb de la main, le corps pivote d'un demi tour), le mouvement main en l'air descendre remonter dans le dos de la séance précédente. L'air : faire et sentir bouger l'air par un mouvement. Ce sont des outils.
Pour m'échauffer, C dit de simplement me choisir en arrivant dans la salle un élément, une fonction, une partie de mon corps du moment et de le travailler à travers une situation, pour être là. Par exemple : les deux pieds l'un derrière l'autre bien à plat au sol, on cherche l'équilibre puis à bousculer cet équilibre, voir comment on tombe, de quel côté, tomber plutôt de l'autre, se laisser aller, chercher des balancements, en éviter d'autres ; les bras ballants ou en balancier, les yeux fermés… De fait tout chauffe. Et le corps est là.
On a quitté vers 18h30.
Dans le petit studio pour la première fois, de 16 à 18 heures. Trois jours avant, je me suis cassé le petit doigt en le projetant inopinément contre un mur de ciment. Le jour de la séance, quelques heures avant, je me décide à aller voir un docteur ; radio, bande élastoplaste : j'arrive en retard d'une heure. C, à qui j'avais donné rendez-vous pour me montrer des exercices d'échauffement, est là depuis 16 h et profite de la salle. Quand j'arrive, elle danse dans le noir. Nous parlons de ce que j'ai fait au cours des séances précédentes. Elle me pose des questions sur comment les mouvements dont je parle me sont venus, à quoi ils se rapportent, comment ils existent au moment et à l'endroit où je les fais. Elle pointe la nécessité pour chaque exécution de redécouvrir le même mouvement et me fait des propositions : que se passe-t-il pour l'air quand tu fais tel mouvement ? Et pour l'espace ? et pour ton corps ? À quoi penses-tu en le faisant ? Si tu fermes les yeux ? J'essaye à chaque fois avec ces nouvelles données, le mouvement d'arpentage des deux premières séances (bras tendu, le pied vient se placer à l'aplomb de la main, le corps pivote d'un demi tour), le mouvement main en l'air descendre remonter dans le dos de la séance précédente. L'air : faire et sentir bouger l'air par un mouvement. Ce sont des outils.
Pour m'échauffer, C dit de simplement me choisir en arrivant dans la salle un élément, une fonction, une partie de mon corps du moment et de le travailler à travers une situation, pour être là. Par exemple : les deux pieds l'un derrière l'autre bien à plat au sol, on cherche l'équilibre puis à bousculer cet équilibre, voir comment on tombe, de quel côté, tomber plutôt de l'autre, se laisser aller, chercher des balancements, en éviter d'autres ; les bras ballants ou en balancier, les yeux fermés… De fait tout chauffe. Et le corps est là.
On a quitté vers 18h30.
1.11.04
3ème séance
séance du 28/10/04
"et la terre est à toi, comme un champ dont on a masqué l'étendue"
Pour la première fois dans la grande salle (verrière, plus étroite que celle des deux premières séances) qui sert aux compagnies en résidence ; tapis de danse noir, un miroir dans chaque largeur, des vêtements sur les barres d'exercice, des paquets de gâteaux, des bouteilles d'eau. Je porte un pantalon en velours usé caramel et le tisheurte troué de cédric. J'ai apporté les silver sessions de sonic youth, je mets la première chanson en boucle. La caméra cadre la salle dans sa longueur, le miroir est en biais.
Je dis ce que je fais, je décris pendant un moment ce que je fais, je travaille deux gestes puis les enchaîne puis les retrouve plus tard dans une impro : 1) le corps droit les bras le long une main monte à la verticale comme un haricot et tire le bras qui tire l'épaule qui tire le corps et le lève sur la pointe des pieds ; l'épaule opposée relâchée ; le bras levé est tenu par le poignet la main est souple ; le bras redescend la main qui passe dans le dos au niveau de la hanche et remonte pour se placer entre les omoplates paume vers l'extérieur doigts écartés les talons toujours soulevés du sol ; la main redescend et range le bras le long du corps les talons redescendent ; l'autre bras prend la suite. 2) le corps droit les bras le long les jambes légèrement fléchies la main tendue tranchante paume vers le bas tend le bras dans le prolongement de l'épaule ; la main tendue tranchante paume vers le bas vient se placer devant le visage au niveau des yeux en coupant lentement l'air dans un geste circulaire.
J'ai arrêté la musique alors que je travaillais le premier geste. J'ai roulé par terre, j'ai roulé comme une boule et comme un tube, je me suis allongé sur le dos, j'ai essayé de me retourner comme une crêpe, c'était douloureux et raté. J'ai hésité entre plusieurs choses à faire. J'ai déplacé la caméra au centre de la salle pour réduire mon champ d'action. Je n'ai pas été satisfait. J'ai déplacé la caméra sur le côté gauche de la salle. J'ai encore travaillé les deux nouveaux gestes et revu un peu celui de l'arpenteur debout (1ère séance).
Je me suis laissé prendre par une longue impro sautillante dans laquelle j'ai décrit un cercle devant la caméra les jambes et les bras arrondis comme chose naturelle — une position que je prends souvent et que j'ai retrouvé dans des documents sur le buto : la position du calciné d'hiroshima revenu d'entre les morts — une position de diformation et de vieux cheval et d'enfant. À un moment, cette ronde a pris l'aspect de la course du goéland qui prend son élan puis sont apparus les gestes travaillés plus tôt et les roulades cette fois-ci plus souples, plus liantes, se transforment en culbuto bancal qui me ramène au calciné, maintenant pétrifié, sur le rond du dos les jambes et les bras recroquevillés ouverts doigts crispés petit à petit le balancement reprend s'anime et permet de se relever. J'avais remis la musique, la même chanson en boucle qu'au début. J'ai terminé debout immobile.
Suite à la séance, je me dis (et je note) : de la patience / cette aventure ne semble pour l'instant ne pouvoir produire qu'une suite de performances à saucissonner pour en faire une chorégraphie. Le lendemain je me dis je tourne comme un ours en cage. Le lendemain je me dis je tourne comme un ours en cage.
Je me secoue, je me remue, je "vis mon corps" (ou tout autre énoncé d'atelier de merde) et mes gestes se perdent dans le néant. Comment en profiter ? Comment en profiter et en faire une chose, une molécule ? J'ai trois espaces : un fixe mais multiple (la salle) qui en contient un modulable (le champ de la caméra) et un mobile (mon envergure — mes bras, mes jambes). Chaque geste que j'exécute se fait dans ces trois espaces, ne peut sortir de la salle, peut échapper au champ de la caméra, est circonscrit à mon envergure (ou pas ?). Chaque geste que j'exécute traverse ou relie ou isole ces espaces. Chaque geste que j'exécute participe à des degrés différents de ces espaces. Ces espaces pourraient-ils être mes aunes ? Des gestes à l'aune (aux aunes) de ces espaces ? Il y a de la rotation d'atomes, il y a de la cosmographie. Il y a un arbre à feuilles alternes, décidues, à sommet obtus presque échancré d'un vert profond donnant de petits fruits à écaille appelé aulne.
Reste le temps. Le temps de chaque geste le singularise : la combinaison espace/temps.
Reste l'exécution.
"La danse c'est la tension". Où puis-je, moi domestique danseur (I dance myself when I was eight), trouver, utiliser, restituer cette tension ? De quoi est faite mon exécution ? Les plages d'impro (un geste en tire un autre) sont faciles et relâchent souvent la_t_tension. La derniére m'a permis d'utiliser des gestes élaborés dans des moments plus studieux.
Je peux avoir des gestes, des espaces, des durées (des temps).
Pour dire quoi ?
Raconter!
Je tourne en cage, comme un ours en cage comme un lion au bout d'une longe un lion en cage un cheval au bout d'une longe. Si je veux sortir la longe s'allonge, la cage s'agrandit : longe et cage sont horizon. Il faut oublier la cage. Si le poisson est partout dans la mare, la cage elle n'existe pas. Mathématique! Parce que la cage est un obstacle, je présuppose qu'elle n'existe pas : je ne suis pas limité par mes espaces, car mes espaces sont partout dans la mare.
Bien.
Qu'y ferais-je ?
Ma première idée (spontanéité!) est de continuer à arpenter chaque courbe, chaque couche, chaque tranche horizontale ou verticale de ces espaces, en établir la carte volumétrique (modélisation 3d, powerpoint, communication à Lancet) : heu! dessiner un volume! beurk!
Dessiner le volume de moi dans ce volume qui serait moi ?
MOIDANSCEVOLUMEQUIESTCEVOLUME=MACIRCONFÉRENCE ("celui qui produit le pain n'est-il pas le pain lui-même ?")
Encore prisonnier! mais au moins arpenter ma circonférence et les indigènes doivent y parler une langue que je peux apprendre.
dans Tête d'Or de Claudel, le désir vs la chimère + "je vivrais dans l'herbe comme un bœuf". Danser et l'herbe et le bœuf et le bœuf dans l'herbe.
"et la terre est à toi, comme un champ dont on a masqué l'étendue"
Pour la première fois dans la grande salle (verrière, plus étroite que celle des deux premières séances) qui sert aux compagnies en résidence ; tapis de danse noir, un miroir dans chaque largeur, des vêtements sur les barres d'exercice, des paquets de gâteaux, des bouteilles d'eau. Je porte un pantalon en velours usé caramel et le tisheurte troué de cédric. J'ai apporté les silver sessions de sonic youth, je mets la première chanson en boucle. La caméra cadre la salle dans sa longueur, le miroir est en biais.
Je dis ce que je fais, je décris pendant un moment ce que je fais, je travaille deux gestes puis les enchaîne puis les retrouve plus tard dans une impro : 1) le corps droit les bras le long une main monte à la verticale comme un haricot et tire le bras qui tire l'épaule qui tire le corps et le lève sur la pointe des pieds ; l'épaule opposée relâchée ; le bras levé est tenu par le poignet la main est souple ; le bras redescend la main qui passe dans le dos au niveau de la hanche et remonte pour se placer entre les omoplates paume vers l'extérieur doigts écartés les talons toujours soulevés du sol ; la main redescend et range le bras le long du corps les talons redescendent ; l'autre bras prend la suite. 2) le corps droit les bras le long les jambes légèrement fléchies la main tendue tranchante paume vers le bas tend le bras dans le prolongement de l'épaule ; la main tendue tranchante paume vers le bas vient se placer devant le visage au niveau des yeux en coupant lentement l'air dans un geste circulaire.
J'ai arrêté la musique alors que je travaillais le premier geste. J'ai roulé par terre, j'ai roulé comme une boule et comme un tube, je me suis allongé sur le dos, j'ai essayé de me retourner comme une crêpe, c'était douloureux et raté. J'ai hésité entre plusieurs choses à faire. J'ai déplacé la caméra au centre de la salle pour réduire mon champ d'action. Je n'ai pas été satisfait. J'ai déplacé la caméra sur le côté gauche de la salle. J'ai encore travaillé les deux nouveaux gestes et revu un peu celui de l'arpenteur debout (1ère séance).
Je me suis laissé prendre par une longue impro sautillante dans laquelle j'ai décrit un cercle devant la caméra les jambes et les bras arrondis comme chose naturelle — une position que je prends souvent et que j'ai retrouvé dans des documents sur le buto : la position du calciné d'hiroshima revenu d'entre les morts — une position de diformation et de vieux cheval et d'enfant. À un moment, cette ronde a pris l'aspect de la course du goéland qui prend son élan puis sont apparus les gestes travaillés plus tôt et les roulades cette fois-ci plus souples, plus liantes, se transforment en culbuto bancal qui me ramène au calciné, maintenant pétrifié, sur le rond du dos les jambes et les bras recroquevillés ouverts doigts crispés petit à petit le balancement reprend s'anime et permet de se relever. J'avais remis la musique, la même chanson en boucle qu'au début. J'ai terminé debout immobile.
Suite à la séance, je me dis (et je note) : de la patience / cette aventure ne semble pour l'instant ne pouvoir produire qu'une suite de performances à saucissonner pour en faire une chorégraphie. Le lendemain je me dis je tourne comme un ours en cage. Le lendemain je me dis je tourne comme un ours en cage.
Je me secoue, je me remue, je "vis mon corps" (ou tout autre énoncé d'atelier de merde) et mes gestes se perdent dans le néant. Comment en profiter ? Comment en profiter et en faire une chose, une molécule ? J'ai trois espaces : un fixe mais multiple (la salle) qui en contient un modulable (le champ de la caméra) et un mobile (mon envergure — mes bras, mes jambes). Chaque geste que j'exécute se fait dans ces trois espaces, ne peut sortir de la salle, peut échapper au champ de la caméra, est circonscrit à mon envergure (ou pas ?). Chaque geste que j'exécute traverse ou relie ou isole ces espaces. Chaque geste que j'exécute participe à des degrés différents de ces espaces. Ces espaces pourraient-ils être mes aunes ? Des gestes à l'aune (aux aunes) de ces espaces ? Il y a de la rotation d'atomes, il y a de la cosmographie. Il y a un arbre à feuilles alternes, décidues, à sommet obtus presque échancré d'un vert profond donnant de petits fruits à écaille appelé aulne.
Reste le temps. Le temps de chaque geste le singularise : la combinaison espace/temps.
Reste l'exécution.
"La danse c'est la tension". Où puis-je, moi domestique danseur (I dance myself when I was eight), trouver, utiliser, restituer cette tension ? De quoi est faite mon exécution ? Les plages d'impro (un geste en tire un autre) sont faciles et relâchent souvent la_t_tension. La derniére m'a permis d'utiliser des gestes élaborés dans des moments plus studieux.
Je peux avoir des gestes, des espaces, des durées (des temps).
Pour dire quoi ?
Raconter!
Je tourne en cage, comme un ours en cage comme un lion au bout d'une longe un lion en cage un cheval au bout d'une longe. Si je veux sortir la longe s'allonge, la cage s'agrandit : longe et cage sont horizon. Il faut oublier la cage. Si le poisson est partout dans la mare, la cage elle n'existe pas. Mathématique! Parce que la cage est un obstacle, je présuppose qu'elle n'existe pas : je ne suis pas limité par mes espaces, car mes espaces sont partout dans la mare.
Bien.
Qu'y ferais-je ?
Ma première idée (spontanéité!) est de continuer à arpenter chaque courbe, chaque couche, chaque tranche horizontale ou verticale de ces espaces, en établir la carte volumétrique (modélisation 3d, powerpoint, communication à Lancet) : heu! dessiner un volume! beurk!
Dessiner le volume de moi dans ce volume qui serait moi ?
MOIDANSCEVOLUMEQUIESTCEVOLUME=MACIRCONFÉRENCE ("celui qui produit le pain n'est-il pas le pain lui-même ?")
Encore prisonnier! mais au moins arpenter ma circonférence et les indigènes doivent y parler une langue que je peux apprendre.
dans Tête d'Or de Claudel, le désir vs la chimère + "je vivrais dans l'herbe comme un bœuf". Danser et l'herbe et le bœuf et le bœuf dans l'herbe.